Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     MANGER     
FEW VI-1 manducare
MANGER, verbe
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À manger faut qui a lavé. "Il ne suffit pas de se laver les mains pour avoir à manger (?)" : A court mes ans legier passay En mengant mainte soupe grasse ; A espargner riens ne pensay, Ne me challoit fors d'estre en grace. Mais Viellesse qui tout desbrasse M'a ores prins a pié levé : A mengier fault qui a lavé. (TAILLEV., Passe temps D., c.1440, 142).

 

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Après tous déduits il convient de manger : Sire chevalier, il convient que nous mengons ung pou, vous et moy, car aprés tous deduitz convient mengier. (Percef. II, R., t.2, c.1450 [c.1340], 136).

 

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Celui-là est mon parent qui me donne à manger V. parent

 

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Celui la peut bien manger sans nappe qui fut engendré sans linceul ("drap") : Celuy peut bien menger sans nappe Qui fut engendré sans lincheul. (Menus propos P., 1461, 91).

 

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Celui-la se défait qui trop mange et ne fait rien : S'on t'aporte bonne viande Et ton appetit te commande Que tu en preingnes largement, Ne fai pas son commandement, Car cils se honnist et deffait Qui trop menjue et riens ne fait. (MACH., C. ami, 1357, 60).

 

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Celui qui boit ne mange pas V. boire

 

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De brebis comptées le loup sait bien manger V. brebis

 

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Deux/quinze loups peuvent manger une brebis V. brebis

 

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Faute d'argent fait manger les blés verts V. argent

 

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Joie de manger est peu durable V. joie

 

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Il faut manger pour vivre et non vivre pour manger : Et pour ce conseille je que le seigneur et gouverneur soit sobre, et especialment en boire et en mengier, en telle maniere que il ne soit pas occupé de corps que il ne se puisse deffendre quant il seroit eu fait et en la besoingne ; et meïsmement a estre en fait d'armez, trop estre plain de vin et de viande nuist et empeësche a la santé. Ne il ne nous convient pas vivre pour mengier, mais mengier pour vivre. (VIGNAY, Théod. Paléol. K., c.1333-1350, 52). Et a ce propos racompte Agelle en son premier livre, comment Socrate fu tres sobre toute sa vie, lequel Socrates disoit que les gens ne doivent mye vivre pour mengier, mais mengier pour vivre. (LEGRAND, Bonnes meurs B., 1410, 322). -- Et quant au VJe pechié, qui est de gueule ou de gloutonnie, certes le vray amoreux n'en a tant soit peu, que ce qu'il mangüe et boit n'est que pour vivre seullement sobrement, ainsin que le Philosophe dit, que l'on doit seullement mangier et boire pour vivre et non pas vivre pour boire et pour mangier, comme les gens pourceaux font. (LA SALE, J.S., 1456, 25).

 

Rem. Hassell 160, M77 ; DI STEF. 520c, manger.

 

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Il convient de regarder avec qui on mangera plutôt que ce qu'on mangera ou boira : Pour che dist Epicure : "Anchois convient regarder avec quelz personnes tu mengeras ou buveras que quel chose tu dois mengier ou boire." (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 255).

 

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Il ne fait pas bon manger des prunes avec son seigneur : L'en dit communement qu'il ne fait pas bon menger les prunes avec son seigneur ne il n'est pas bon que le pouvre home aye partaje et divison avecques le riche et puissant. [Le proverbe est illustré par la fable du lion qui chasse avec d'autres animaux et qui garde pour lui tout seul le cerf qu'ensemble ils viennent de tuer] (MACHO, Esope R., c.1480, 81).

 

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Joie de manger est peu durable V. joie

 

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Le grand mange le petit : Dont vient a l'homme l'appetit De machiner d'aultruy la mort ? Le menu peuple s'entremort, Et le grant mengut le petit. (ALECIS, Passetemps Alecis frères P.P., a.1451, 17).

 

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Le loup arrive bien à manger des brebis comptées V. brebis

 

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Le pain au fou est le premier mangé V. pain

 

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Mal fait manger à l'appétit d'autrui. "Il est difficile de vivre selon les habitudes d'autrui" : ...Sausse n'arez ne jance, La ne fait on reverence a nullui ; Sée qui puet, qui ne siet l'oste tance ; Mal fait manger a l'appetit d'autrui. (DESCH., Oeuvres R., t.7, c.1370-1407, 81).

 

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Manger sans compagnie est vie de bête : Car sans ami ou compaignon, mengier est vie de lyon ou de loup. Aussi sotieté ou compaignie est naturelment joieuse et aggreable, selonc le dit de Seneque : «La possession de quelque bien n'est joieuse sans compaignon». (DAUDIN, De la erudition H., c.1360-1380, 256).

 

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Mieux vaut fèves manger en liesse Qu'abondance viande, peureux et en tristesse V. fève

 

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On s'ennuie d'un seul pain manger V. pain

 

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Petit à petit le pinson mange l'âne V. petit

 

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Quand on mange la menuise ("petit poisson, fretin"), peu importe par quel bout on les prend V. menuise

 

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Qui à bonne heure veut manger, doit avant appareiller : Pour ce qu'ilz n'ont pas confesséz Tout ce qu'ilz font ne vault neant. Or fault qu'il se pourvoie avant Bonne piece de son affaire, S'il veult son sauvement bien faire ; Qui a bonne heure veult mengier, Il fait avant appareiller. (Liber Fort. G., 1346, 199).

 

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Qui bien ne mange ne peut bien oeuvrer : Je sçai bien que jamais ne m'en pourr[a]i aler ; Ainchois me convend[r]a et ferir et fraper, Et puis qu'il est ainsi, je me vouldrai armer De vins et de vïandes, car j'ay ouï compter Qui bien ne mengera ne pourra bien ouvrer (Enfances Doon de Mayence P., c.1450-1500, 544).

 

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Qui mange venin tantôt enfle V. venin

 

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Qui ne laboure point ne mange point V. labourer

 

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Qui tout mange au dîner il ne lui reste rien pour le souper V. dîner

 

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Tel l'oison plume qui n'est pas invité au manger V. oison

 

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Tel se contente d'une miche, qui mangeroit volontiers mieux V. miche

 

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Tout se mange à l'appétit V. appétit

 

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Un jour il faut manger un oeuf et un autre jour un boeuf V. oeuf

 

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Une fois manger est vie d'ange, et deux fois est droite vie d'homme et de femme, et plusieurs fois manger est vie de bête : ...une foiz mengier est vie d'ange, et deux foiz est droite vie d'omme et de feme, et plusieurs fois mengier est vie de beste, et tout chiet par coustume et par usaige, car de telle vie, soit de boire ou de mengier, comme vous vouldrés acoustumer en vostre jeunesse, vous le vouldrez maintenir en vostre viellesse (LA TOUR LANDRY, Livre pour l'enseign. de ses filles, éd. A. de Montaiglon, 1371, 176).

 

Rem. Cf. aussi Morawski 882 : Il fait mal menger poires à son seigneur, 1771 : Que ne manjue sainz Martins se manjue ses asnes, 1844 : Qui bien mangue et bien boit, bien chie et bien poit, il n'a mestier de mire, 1984 : Qui manj[u]e mors a mors ne scet que luy chiet au corps.
 

Lexique de proverbes Pierre Cromer


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